Le mal de tête était insoutenable. Hyun Joong se laissa tomber sur le sol, épuisé, fou de douleur. Il regarda les tâches noires sur ses bras et gémit, désirant plus que tout un cachet d'aspirine. Toute son héroïne, sa coke, tout son opium et tout le reste, il le donnait contre un simple cachet d'aspirine. Ce n'était pas la première fois qu'il souffrait autant, après avoir un peu trop forcé sur la dose. Ce n'était pas vraiment la drogue le problème, c'était plus le fait que la consommer en fumant et buvant comme un trou. Son corps se transformait en épave au moins une fois par semaine, et le lui reprochait le lendemain. L'idée d'arrêter ne l'effleura pas. Il se promit juste de toujours garder sur lui des anti-douleurs désormais. La douleur le lança, fulgurante. Il tenta d'ouvrir les yeux, mais la lumière lui explosa la rétine, brulant son cerveau encore un peu. Haletant, il se traina à l'aveuglette à travers son appartement et réussi à atteindre la salle de bain. Des larmes s'échappèrent de ses yeux clos. Il avait tellement mal. La boite à pharmacie subit un ouragan, laissant échapper des dizaines de boites de dafalgan. Les yeux mis-clos, il reconnut la boite à cachet qu'il cherchait. Il le goba tout rond, sans prendre la peine de boire un peu. Le mur de la salle de bain le soutient, pendant que, les yeux fermés, le coréen reprend vie. Les minutes passent. Son mal de tête s'est calmé, mais il n'ose pas ouvrir les yeux de peur de tout re-déclencher. Il a peur, mais il l'ignore. Comme toujours. Lentement, effrayé, il entrouvre les paupières. Le spectacle n'est pas reluisant. Des médicaments jonchent le sol en tout sens, entre ses jambes. Il se courbe dessus et, en exécutant ce qui lui semble être un effort surhumain, parvient à se remettre debout tout en gardant les boites à la main. Il range, en silence, avec une lenteur exaspérante. Il ne veut pas aller plus vite. De toute façon, il n'est pas pressé. Pas fou, il s'arrange toujours pour prendre un jour de congé ou bien pouvoir travailler de chez lui quand il sort. Parce que sortie veut dire s'envoyer en l'air, dans tout les sens du terme. En se regardant dans le miroir, il se demande un instant ce qui plait chez lui. Surtout maintenant. Les larmes ont tracés des sillons foncés sur sa peau mate, ses yeux sont gonflés et rouge, ses lèvres ont tellement été mordues par l'inconnue de cette nuit qu'elles sont craquelées... Il sourit vaguement. Il suffit d'un sourire, d'une légère couche de maquillage, et il peut retourner travailler l'air de rien. L'air de rien. Un sourire désabusé fleurit sur ses lèvres abimées. Il est devenu plutôt bon dans l'art de se cacher à lui même la vérité. Durant plusieurs minutes, il ne quitte pas son reflet dans la glace, sans rien penser. Il se contente d'observer ses grand yeux noirs, le visage impassible. Il croit entendre un bruit dans la maison et, surpris, ouvre l'eau froide pour se passer la tête dessous. Au moins comme ça, il est réveillé. À pas prudent, il ressort de la salle de bain et traverse le couloir, dans le sens inverse qu'il y a quelques secondes. Sa chambre est plongée dans le noir, alors que le couloir et le reste de l'appartement sont délicieusement alimentés en lumière par les fenêtres bullées. Il va ouvrir les volets et cligne plusieurs fois des yeux sous la lumière. Mais, quand il supporte enfin l'astre brillant, il soupire d'extase. Séoul s'étend sous ses yeux, ville vivante et rythmée par ses working poor. Il sourit. Et constate enfin qu'il ne porte qu'un boxer. Un léger vent vient le faire frissonner, le persuadant de se vêtir un peu mieux, au moins pour l'instant. Il enfile donc un vieux pull tellement détendu qu'il lui fait l'effet d'un garçon de cinq ans haut comme trois pommes ayant voulu enfiler le pull de son grand frère, trente sept ans et joueur de rugby. Les manches couvrent ses mains et le bas descend jusqu'au dessus de ses genoux. En retournant à la fenêtre, il prend son paquet de cigarette et en porte une à sa bouche. Il a échangé ses chères Lucky Strike contre des Davidoffs. En fait, il s'en fout. Ce qu'il aime, c'est l'odeur de la fumée. Il remarque que c'est la dernière de son paquet. Alors il profite de l'odeur ambré. Il pense à sa mère. Qu'est-ce qu'elle fait? Il la voit, comme elle était quand il était petit mais avec vingt ans de plus, accoudée elle aussi à la rambarde d'une fenêtre, tirant sur une cigarette identique à la sienne. Ils ont toujours tout fait à l'identique, même sans se consulter. Pourquoi la suite aurait-elle du changer? Il espère malgré tout qu'iln'est pas devenu comme elle. Il en deviendrait malade et irait certainement commettre un meurtre. Il secoue la tête, ses cheveux châtains venant caresser ses joues douces. Le mégot s'envole d'entre ses doigts. Une dernière bouffée d'air frais, et il referme la vitre, s'enfermant dans la bazar qu'est sa chambre. Il remarque quelque chose et fronce les sourcils. Il s'approche et se met à quatre patte sur son lit pour attraper ce qui ressemble étrangement à une rallonge de cheveux. Il ouvre de grand yeux stupéfait. Et gémis. Il a brisé la seule règle qu'il s'était imposé. Jamais personne chez lui. Enfin, chez eux. Pas d'histoire d'un soir dans son lit. Il regarde les draps avec dégout. Réalisant qu'il est à genoux sur le lit, il s'éjecte et, tenant la rallonge du bout des doigts comme si elle pouvait mordre, la balance à la poubelle. Il reste un instant sans bouger. Dormir dans ces draps qu'elle a souillé toute la nuit. Il a envie de vomir. Sentir son odeur de femme pendant qu'il dort. Sa tête recommence à lui faire mal. Ça le rend fou. Décidé, il attrape les draps et les tire, tous. Il enlève tout. La couette, le matelas, les oreillers, les housses, tout. Ne reste plus que l'armature en fer. Tout le reste, il les descend par les escaliers de service, mettant tout dans la salle aux poubelles. En remontant, il croise une voisine qui rougit jusqu'aux oreilles en le croisant. Le coréen baisse alors les yeux et rougit à son tour. Il sourit à la demoiselle et court jusque chez lui. Encore honteux de s'être baladé à moitié nu dans son immeuble, il attrape quelque vêtements et va s'enfermer dans la salle de bain, reprenant au passage un cachet. Il laisse l'eau couler quelques instant. Le tissu glisse sur sa peau, dévoilant des traces qui le rendent honteux. Des traces de nuits de débauche. Pourquoi faut-il toujours qu'ils le marquent? Il ne leur appartient absolument pas. Il a l'habitude. Ce n'est pas pour autant que cela ne l'énerve pas autant à chaque fois. Il fixe sans ciller le suçon placé sur son torse. N'importe quoi. Les gens sont foux. Il soupire et ouvre le petit placard sous l'évier pour prendre un pot de crème. Il en dépose une noisette sur le bout de ses doigts, qu'il applique ensuite soigneusement sur chaque marque, chaque rougeur de sa peau de soie. Il le fait avec la plus grande impassibilité, alors qu'intérieurement, le jeune homme bout de rage. Elle l'a marquée et elle a dormi dans son lit. Mieux vaudrait qu'il ne la recroise pas, ce n'est pas de frapper une femme qui l'empêche de dormir, loin de là. La crème étalée un peu partout sur son corps, le coréen se glisse en douceur dans l'eau chaude de son bain. Il ferme les yeux, adorant la sensation d'être dans une bulle de coton chaude. Son mal de tête, beaucoup moins fort que tout à l'heure persiste pourtant à être désagréable. Il monte donc ses mains à son visage, pour se masser les tempes en douceur. Et, par habitude, se met à se mordiller les jointures. En même temps, il réfléchit. Il faut d'abord qu'il aille prendre son petit déjeuner, pas question d'entamer la journée le ventre vide. Même si son sang, lui, est plein à craquer. Ensuite, il est impératif qu'il s'achète de nouveaux matelas pour son lit deux places, de nouveaux oreillers et tout ce qui va avec. L'eau commence à refroidir. Frissonnant, le plus âgé des SS501 sort de l'eau et se sèche vigoureusement avec une sublime serviette à l'effigie de Bob l'éponge. Ses cheveux sont mouillés aux pointes et l'eau goutte dans son cou. Il sourit en regardant son reflet dans la glace. Il se préfère comme ça.
En se baissant sur ses vêtements, Hyun Joong se félicite. Il s'habille donc d'un t-shirt blanc un peu ample, aux inscriptions noire en anglais aux lettres majuscules. Son jean noir, près du corps, est aussi agréable à porter qu'à regarder. Rien à voir avec un slim, qui ne lui vont de toute manière pas. Il prend également une longue chaine et la met autour de son cou, le pendentif, une cage avec un oiseau, arrivant à son nombril. Il ressort dans le couloir où l'attendent ses innombrables paires de chaussures. Il met des bottines noires, remontant jusqu'au dessus des chevilles, toute vernie. En fouillant également dans le placard de l'entrée, il trouve une veste noire qu'il enfile également. En effectuant un demi-tour, il se retrouve face à une glace qu'il a fait mettre là justement pour pouvoir s'observer quand il sort. Satisfait de son reflet, il attrape sa carte de crédit, ses clefs et son portable et sort sans un aurevoir. Il n'est même pas sur que les autres membres du groupe soient dans l'appartement. Il appelle l'ascenseur et rentre quand les portes s'ouvrent. Un soupir s'échappe de ses lèvres. L'ascenseur s'ouvre, et le coréen ressort, heureux de sentir le vent qui caresse son visage. Il reste planté devant l'immeuble, se demandant où est-ce qu'il pourrait bien aller prendre son petit-déjeuner. L'idée la plus pratique serait d'aller dans le quartier est, pour aller plus rapidement au centre commercial ensuite. Pourtant, il préfèrerait aller manger des bretzels sur la plage... Ou au Next, le petit café en bordure de mer. Il hésite, hésite et hésite encore. Il opte finalement pour un choix: en regardant l'heure, il constate que s'il veut faire ses achats dans la matinée, et ainsi profiter du reste de la journée, mieux vaut qu'il soit à proximité du magasin. Va pour l'est alors. Le jeune homme part donc en direction des rues de l'est de Seoul, s'arrêtant une seconde pour se recharger en cigarette. Son regard est attiré par quelque chose qu'il n'a jamais essayé. Il ressort quelques minutes plus tard, un éléphant rose à la bouche. De toute manière, rien ne pourrait lui couper l'appétit.
Il finit par arriver dans le quartier qu'il cherchait. Clope à la main, le jeune homme cherche un café sympa et surtout, pas trop bondé, où s'arrêter. Forcément, un mercredi, il y a foule. Pas dans les rues, mais dans les restaurants. Il soupire, déçu, et se remet en marche pour sillonner les rues, fermement décidé à prendre son petit-déjeuner dehors, mais heurte violemment quelqu'un.